Contes d’Italie

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Bande-annonce

Auteur

Maxime Gorki (1868 – 1936) est surtout connu aujourd’hui, en dehors de sa Russie natale, pour ses pièces de théâtre (notamment les célèbres Bas-Fonds) et son roman La Mère. C’était pourtant l’un des écrivains les plus importants du XXe siècle ; son œuvre immense et diverse a été très influente et mérite sans doute d’être revisitée. Il a été l’un des auteurs les plus publiés et les plus traduits de son vivant. Cinq fois nominé aux Prix Nobel (sans pourtant l’avoir décroché), Gorki était admiré par de nombreuses personnalités comme, parmis beaucoup d’autres, Anton Tchekhov, Romain Rolland ou Giacomo Puccini.

Gorki avec Tchekhov et Tolstoï

Né Alexis Pechkov, il choisit Maxime Gorki en tant que nom de plume (gorki en russe signifie « amer ») en s’imposant ainsi comme un écrivain engagé, accusateur, qui fustige les vices de la société, qui prend la peine de dire des vérités désagréables.

Dès sa jeunesse, Gorki était très proche du mouvement des révolutionnaires-socialistes. Néanmoins, son attitude envers le pouvoir après la révolution bolchevique de 1917 a été très critique. À tel point qu’il a dû, suite à une recommandation amicale mais pressante de Lénine, quitter le pays pour plusieurs années. Ce qui n’empêchait pas le régime de vénérer Gorki comme « le grand écrivain prolétarien » et « le père-fondateur du réalisme socialiste ». Lors de ses funérailles, l’un des porteurs de son cercueil était Joseph Staline en personne.

Maxim Gorki a toujours été amoureux de l’Italie

Ce statut d’écrivain officiel d’un côté, et ses positions politiques bien prononcées (parfois même trop directes) de l’autre, ont beaucoup nié à la perception de l’œuvre de Gorki. En URSS et dans les autres pays du bloc de l’Est, les intellectuels snobaient ses textes car imposés par l’État. En revanche, dans les pays avec des gouvernements penchés vers la droite, ses œuvres ont été négligées voire interdites. Ainsi, Gorki a eu l’honneur d’être un des premiers auteurs dont les livres ont été brûlés par les nazis.

Pourtant, les admirateurs ne lui manquaient jamais. Par exemple, ces œuvres ont inspiré plusieurs cinéastes, Jean Renoir et Akira Kurosawa entre autres.

Aujourd’hui, l’héritage de cette immense personnalité, tirée entre le néoromantisme ardent et le réalisme amer, reflétant toutes les contradictions de son époque tumultueuse, peut enfin profiter d’une perception plus équilibrée et impartiale, en révélant sa beauté et sa profondeur intemporelles.

Œuvre

Bazar Slave a le plaisir de présenter son adaptation scénique de l’œuvre peut-être la plus poétique de Gorki : Contes d’Italie. Gorki a beaucoup voyagé à travers la botte et s’est installé à Capri plusieurs années. Ce recueil d’une trentaine de courts récits, dont nous avons retenu qu’une poignée, n’est rien d’autre qu’une déclaration d’amour à l’Italie.

©Yunna Menshova-Doré

D’un certain point de vue, Contes d’Italie est un exemple de l’art dit « engagé ». Dans la lutte politique que Gorki décrivait, il avait ses sympathies bien prononcées : plusieurs de ces contes ont été pour la première fois publiés dans la presse bolchevique, à des fins ouvertement propagandistes. Mais on peut également facilement y voir une œuvre d’« art pur » – des petits joyaux pleins de beauté et de poésie, au-dessus de toute idéologie.

D’un côté, un combat mortel : scènes de grèves, de révoltes ouvrières et paysannes, cruauté de la lutte des classes. De l’autre, des paysages enivrants, une nature magnifique, des émotions fortes et sincères, la beauté et la joie du travail honnête et simple, les splendides fêtes populaires. Dans notre spectacle, nous essayons de retenir les deux aspects de cette œuvre riche et ambiguë.

©Yunna Menshova-Doré

Il existe deux traductions françaises des Contes d’Italie. La première, de Serge Persky, a été publiée en 1914. Faite d’après la première édition russe, elle reproduit les défauts de celle-ci : 25 contes au lieu de 30, des coupures imposées par la censure tsariste, quelques erreurs de l’éditeur. C’est pourtant cette version que nous avons choisie comme point de départ.

La traduction de René Huntzbuchler, parue en 1955 au sein des Œuvres complètes de Gorki, est dans l’ensemble plus érudite et, en plus, comprend les retouches que l’auteur a faites au texte dans les années 1920. Néanmoins, cette version elle non plus n’est pas dépourvue d’imprécisions, d’altérations, et même de lapsus bien graves.

Dans notre spectacle, nous avons entièrement réécrit le texte en le confrontant méticuleusement à l’original russe, dans une quête de fidélité absolue tant à la lettre qu’à l’esprit de l’auteur.

Équipe

Anton GOPKO
metteur en scène, auteur de l’adaptation

Diplômé de l’Académie russe des arts de théâtre (GITIS) de Moscou, il a réalisé de nombreuses productions sur des scènes théâtrales et lyriques en Russie ainsi qu’en France où il s’est installé dès 2009. Parmi ses mises en scènes on peut citer Les Trois sœurs de Tchekhov, L’Avare (opéra de Pachkévitch), Le Docteur Miracle de Georges Bizet (création russe), Let’s Make an Opera de Benjamin Britten, Les Cartes d’Horreur (création mondiale de la pièce d’Evgueni Sules), Paris – Berlin – New-York (cabaret lyrique avec la Cie L’Opéra d’à Côté au Théâtre Kantor à Lyon)… Pour les productions russes du Docteur Miracle et de Let’s Make an opéra, il a également signé la traduction équi-rythmique des livrets.

Aujourd’hui, il partage son temps entre la mise en scène et l’enseignement du théâtre. Il enseigne, entre autres, à l’École de théâtre de Lyon (ETL) et à l’Université Jean Moulin Lyon 3. Traducteur officiel des œuvres de Richard Dawkins en russe, il a été récompensé pour cette activité par le prestigieux prix Prosvetitel.Perevod en 2021.

Elvira ZARIPOVA
assistante à la mise en scène, pédagogue de jeu

Actrice diplômée de théâtre et de cinéma, elle s’est perfectionnée dans le prestigieux Institut d’art dramatique Boris Chtchoukine à Moscou. Toute sa vie a été partagée entre la scène et l’enseignement de l’expression orale. Mais son vrai métier est… sorcière. Il suffit qu’elle monte sur le plateau et chuchote à l’oreille d’un comédien quelques formules magiques, pour que toute la scène se transfigure !

Jean-Marc ANDRIEU
comédien, décorateur

Jean-Marc a exercé pendant 30 ans le métier de paysagiste. Passionné par le théâtre depuis sa jeunesse, il joue avec la compagnie Lezartistes durant 15 ans. A 50 ans il intègre l’école de théâtre ATRE de Lyon. En 2016 il joue dans son premier long métrage au sein de sa société de production dont le but est de promouvoir le cinéma indépendant. Ce film a été suivi par d’autres, notamment Cold qui va bientôt paraître dans les cinémas.

Dans notre spectacle, Jean-Marc incarne plusieurs rôles importants, dont un vieillard borgne et rigoleur, un mineur pessimiste, un paysan qui cherche la vérité sur ce qui s’est passé avec ses enfants, un Américain riche dont on a volé un pantalon, un pêcheur mystérieux et un prêtre sournois. Il a également signé les décors de la production.

Sarah BURCKEL
comédienne

Dès son adolescence, cette nouvelle grande Sarah B. du théâtre français foulait les planches pour de nombreuses occasions. Après avoir hésité entre un parcours scientifique et sa vocation artistique, elle est entrée à l’École de Théâtre de Lyon. Si on ajoute ici ce qu’elle fait sérieusement de la danse et se produit comme une chanteuse, il sera parfaitement clair qu’il s’agit d’une comédienne accomplie.

Mais comédienne ou tragédienne ? Très difficile à dire. Dans les Contes d’Italie il lui arrive d’incarner des personnages déchirés par des passions incandescentes, telles qu’une catholique pieuse, désespérément amoureuse d’un révolutionnaire, une belle Américaine triste et énigmatique ou encore une jeune fille déshonorée par un soupirant rejeté. En même temps, elle endosse avec la même maîtrise des rôles de caractère comme une aristocrate hautaine, une dame apathique, une autre dame, prompte à déblatérer, et même la Nuit en personne !

Gabriel CARRION
comédien

Le blondinet de l’équipe, originaire de Provence, c’est au milieu du chant des cigales et du roulement des vagues qu’il apprend la batterie, le piano, le chant et le théâtre. Développant sa passion pour le jeu au sein d’une association durant toute son adolescence, il obtient d’abord une licence d’anglais après trois ans d’études en Savoie et arrive à Lyon en 2018, intégrant l’Ecole de Théâtre de Lyon. Il monte ensuite à la capitale se former à la comédie musicale au Conservatoire Nadia et Lili Boulanger et faire ses premières apparitions face caméra. En 2022, au festival d’Avignon, il jouait dans la comédie de boulevard Bric-à-brac sur le clic-clac de Stephan Dauphin où il incarnait deux personnages en alternance.

Dans notre spectacle, Gabriel, comme tout le monde, endosse plusieurs rôles, d’un curé sévère à un anticlérical acharné, en passant par un chanteur ambulant, un soldat un rien simplet, un musicien qui rêve à l’impossible, et bien d’autres.

Charlotte PAYANT
comédienne

Cette charmante jeune fille mène une double vie créative. Passionnée de théâtre depuis l’âge de 9 ans, elle en fait un objectif de vie au cours de ses années lycée et fait actuellement ses études à l’École de théâtre de Lyon. En parallèle, littéraire dans l’âme avec deux années de prépa derrière elle, elle est autant attirée par les émotions de la scène que par celles de l’écriture. À 21 ans, elle a déjà publié son premier roman, J’en appelle aux Ombres, et est en train d’en écrire un autre !

Dans Contes d’Italie, Charlotte joue de nombreux rôles. C’est, notamment, une jeune fille séduisante et volage, une vieille femme pleine de désespoir et de haine, une aristocrate écervelée, une touriste insouciante, une boutiquière cholérique… Mais aussi un des personnages les plus importants – et peut-être le plus beau et le plus poétique – de tout le spectacle, un jeune garçon nommé Beppo.

Lucas ROBIN
comédien

Ancien gendarme et cavalier, artiste aujourd’hui, Lucas a pris le meilleur des deux mondes. À la fois fort et tendre, il possède un charme masculin, une présence et un charisme irrésistibles. À la fois discipliné et créatif, c’est un excellent élément d’une équipe artistique. Ajoutons à cela une forme physique parfaite (il s’intéresse sérieusement à la cascade), et voilà : le portrait d’un comédien exemplaire est prêt.

Rien d’étonnant donc que Lucas, encore étudiant de l’École de Théâtre de Lyon, soit bien occupé et travaille sur plusieurs projets théâtraux en même temps.

Dans notre spectacle Lucas incarne des personnages très divers. Il joue, entre autres, un pauvre pêcheur amoureux, un soldat un peu rustre converti en révolutionnaire ardent, un peintre insouciant, un coiffeur gigolo et même… un monument !

Evan ROUX
comédien

Amoureux du théâtre, il s’est formé dans l’ombre, à l’aide de bouquins et de cours d’impro, avant de rejoindre une formation plus officielle à l’École de Théâtre de Lyon. Suivant le parcours du combattant de l’acteur, il en ressort aguerri des méthodes de Stanislavski, Meyerhold, de comedia dell’arte et de théâtre forum. La bouche remplie de noms (comme Knebel, Brook, Notte, Donnellan, etc…) et le cœur gros, il s’est lancé de tout son être dans l’aventure des Contes d’Italie où il donne le meilleur de lui-même, toujours prêt à surprendre et à envoûter le spectateur.

Mais en plus d’être comédien, Evan est aussi poète, composant les alexandrins qu’on retrouve dans notre pièce où il incarne des personnages comme un ancien mineur avec un lourd passé, un Russe qui n’attend que la révolution et un poète (c’était tout trouvé) déçu de ses poèmes.

Andrey RUBTSOV
compositeur

Après avoir fait ses études au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, et puis à la Royal Academy of Music de Londres, il partage sa vie entre la composition et la direction d’orchestre – toujours avec beaucoup de succès. Ses œuvres résonnent dans les meilleurs salles de notre planète, y compris la Philharmonie de Berlin et le théâtre Bolchoï de Moscou, interprétées par des plus grands musiciens d’aujourd’hui. Homme de théâtre né, Andrey est aussi depuis longtemps directeur musical du légendaire Théâtre académique de la Satire de Moscou.

Parmi ses œuvres les plus importantes, on peut citer son Concerto pour violon (créé par Julia Fischer), Concerto pour piano (créé par Dmitry Shishkin) ou encore Les Roses d’Héliogabale, pour hautbois baroque, bansurî et cordes. Plus d’informations – sur le site officiel du musicien.

La musique qu’Andrey a écrite sur mesure pour nos Contes d’Italie donne une toute autre dimension à la mise en scène et au jeu des acteurs.

Yunna MENSHOVA-DORÉ
costumes

Yunna est née à Moscou. Très jeune, elle part étudier l’économie en Norvège, puis, attirée par la culture française, arrive en France. Après le Master en langues, droit et gestion, elle collabore depuis de nombreuses années avec un laboratoire de linguistique appliquée ou elle travaille avec les manuscrits et les parchemins en français médiéval. En parallèle, elle s’autodidacte sur l’histoire du costume, la photographie et l’histoire de l’art. Elle fait plusieurs collaborations aux shootings historiques et participe activement à la vie du Musée des Tissus et des Arts Décoratifs de Lyon. Aujourd’hui, elle fait partie de la troupe de théâtre russophone OKNO et coud sur son Singer de 1934 les costumes de la Belle Epoque.

Clara LAST
Lumière et régie générale

Son nom est LAST, mais le moins du monde elle est « the least » dans notre équipe. Elle y est au contraire absolument indispensable !

Comédienne elle-même, Clara a commencé à s’intéresser à la régie lorsque son grand-père lui demande de l’aider sur quelques représentations de sa pièce. Aujourd’hui, elle collabore, en cette qualité, avec plusieurs compagnies lyonnaises. Dans Contes d’Italie, elle s’occupe de la création lumière / son en ajoutant beaucoup à la valeur artistique du spectacle. Notamment, dans les salles très différentes et très différemment équipées, elle réussit à créer la même atmosphère onirique, ce qui est un véritable tour de force.

Note d’intention du metteur en scène

Parfois, je me demande moi-même les raisons pour lesquelles ce matériau littéraire m’a marqué et m’attire au point que tout a fini par l’idée d’un spectacle qui, une fois née, ne m’a plus laissé en paix. Quel est le point commun entre Les Contes d’Italie, avec leur message politique manifeste, et moi, qui ai toujours eu un regard méfiant pour l’art politiquement engagé ?

Répétition

Pour répondre à cette question, il sera peut-être opportun de citer un autre grand auteur russe, Ossip Mandelstam, qui caractérisait sa poésie comme « une nostalgie de la culture universelle ». C’est ce genre de nostalgie qui m’inspire et m’émeut quant je feuillette le recueil de Gorki.

La notion de « culture universelle » est bien large. Les Contes d’Italie évoquent un aspect très important de la culture du XXe siècle. Il s’agit de la culture (ou bien subculture) socialiste, très influente au début du siècle et en grande partie oubliée par le monde contemporain. Néanmoins, « le bien-être commun » des pays dits développés, les libertés et les droits dont jouissait une partie importante de l’humanité après la Seconde guerre mondiale doivent beaucoup aux mouvements socialistes et à leur culture singulière. C’est peut-être le bon moment de s’en rappeler.

Répétition

Gorki a écrit ces Contes entre 1906 et 1913. C’est à dire, à la veille d’une immense catastrophe qui a remis en question le système politique, économique et même éthique installé dans le monde entier. Impossible de ne pas voir des parallèles inquiétants entre l’époque où Gorki écrivait ses Contes d’Italie et nos jours !

Toutes ces considérations me convainquent de l’actualité inouïe des écrits de Gorki et expliquent pourquoi cet auteur m’attire autant. Il est peut-être l’heure pour nous tous de nous remettre à zéro, de revenir sur nos pas vers l’époque où notre monde moderne était en train de naître, pour mieux comprendre qui nous sommes.

Dernières préparations
©András Turi

D’où le concept du spectacle : l’opposition des deux mondes. Celui des personnages de Gorki – certes pleins d’illusions, mais d’espoirs aussi – et notre monde à nous, où les illusions ne manquent toujours pas, mais où l’espoir devient un oiseau de plus en plus rare.

Cette confrontation est la plupart du temps sous-entendue grâce à l’alternance des scènes. Une fois seulement, elle devient ouverte, quand les représentants des deux époques entretiennent un vrai dialogue.

Dans les coulisses
©András Turi

Une confrontation mais pas de partis pris, ni de slogans, ni de conseils faciles. Le but est de garder l’objectivité : c’est au spectateur de tirer des conclusions.

Le super-objectif du spectacle pourrait donc être formulé ainsi : rappeler que les libertés et le bien-être dont on profite depuis longtemps, et qui nous paraissent « évidentes », ne sont pas un cadeau gratuit de la nature comme l’air qu’on respire, mais le résultat d’une lutte, de privations, de sacrifices, et de l’héroïsme de plusieurs générations. Ce n’est pas une chose à négliger ou gaspiller. Il y a seulement cent ans, la question « Est-ce que tu manges tous les jours ? », posée par un des personnages des Contes d’Italie, n’était ni ironique, ni bizarre.

Dans les coulisses
©András Turi

Ceci dit, j’ai été très loin de l’intention de banaliser le texte de Gorki en l’adaptant à l’agenda politique actuel, nous n’en avons tiré que l’idée intemporelle de liberté, d’égalité et de fraternité. Et cette idée est trop grande et trop abstraite pour n’être caractérisée que comme politique. Je la vois plutôt philosophique, éthique et même esthétique. En effet, c’est à peine qu’on trouverait dans l’art un sujet plus éternel et plus beau !

Anton GOPKO

Galerie